Les décisions sont rares en matière de protection temporaire : ce dispositif déclenché en réponse à la guerre en Ukraine est très récent et inédit.
Le cabinet a obtenu une ordonnance favorable en référé-suspension du Tribunal administratif de Montreuil qui illustre les conditions à remplir et le rôle du juge.
Pour mémoire, la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 définit le cadre d’application sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne d’une protection particulière accordée en cas d'afflux massif de personnes déplacées.
Ce statut vise à assurer une protection homogène sur le territoire de tous les Etats membres en cas d’arrivée précipitée et massive de ressortissants d’Etats tiers.
Cette protection, d’origine conventionnelle, est intégrée de longue date en droit national, aujourd’hui aux articles L. 581-1 et suivants du CESEDA.
Elle ouvre droit à la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour, qui permet notamment d’exercer une activité professionnelle en France.
Pour être applicable, cette protection doit faire l’objet d’une décision du Conseil de l’Union européenne (article 5 de la directive).
Pour la première fois, ce dispositif a été activé à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie.
Le 4 mars 2022, le Conseil de l’Union européenne a constaté l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine et a introduit la protection temporaire (décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022).
Cette décision a, en outre, définit les catégories de personnes susceptibles de bénéficier de la protection temporaire :
Il convient d’abord de noter que cette dernière condition n’était pas initialement prévue par la commission européenne qui avait suggéré que la seule possession d’un titre de séjour permanent pourrait suffire pour bénéficier de la protection temporaire.
Le Conseil de l’Union européenne a souhaité ajouter cette condition.
Il s’est toutefois gardé d’en donner une définition précise. Il en va de même de l’instruction interministérielle du 10 mars 2022, qui se contente d’indiquer aux préfets que « pour l'application de ces dispositions, vous convoquerez l'intéressé à un entretien au cours duquel vous procèderez à l'examen de sa situation individuelle «
C’est finalement la commission européenne qui donne le cadre d’analyse le plus précis de cette condition.
Dans ses lignes directrices du 21 mars 2022, elle constate d’abord « qu’il s’agit d’une notion sui generis »
(Communication de la Commission relative aux lignes directrices opérationnelles pour la mise en œuvre de la décision d’exécution 2022/382 du Conseil constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire - 2022/C 126 I/01).
Elle estime ensuite que :
Enfin, la commission européenne considère que ces deux conditions doivent être analysées tant au regard de « la situation générale dans le pays ou la région d’origine » que des éléments individuels fournis par le demandeur.
Le cabinet a obtenu une ordonnance favorable en référé-suspension du Tribunal administratif de Montreuil pour un ressortissant bangladais, qui était installé depuis de nombreuses années à Kiev et qui a fui 2 jours après le début de la guerre.
Trois enseignements peuvent êtres tirés de cette décision :
1️⃣ Le juge rappelle que la protection temporaire ne concerne pas uniquement les ressortissants ukrainiens, mais également les ressortissants de pays tiers qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine dans des conditions "sûres et durables".
2️⃣L'analyse du juge en matière de protection temporaire est intéressante : elle se rapproche de l'office du juge de l'asile. Et elle exige un travail probatoire important, avec des éléments personnels sur les risques encourus par le requérant.
3️⃣L'appréciation de l'urgence est plus classique, mais elle s'appuie sur les "circonstances très exceptionnelles" de l'arrivée en France pour fuir la guerre et sur les garanties attachées à la protection temporaire dont le requérant a été privé.
En conclusion : le rejet d'une demande de protection temporaire peut être contesté devant le Tribunal. Pour les ressortissants non-ukrainiens, il est nécessaire de réunir des éléments de preuve concrets qui justifient du risque encourru en cas de retour dans le pays d'origine. Pour toute question, contactez-nous :
Alexandre DELAVAY
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